vendredi 29 octobre 2010

PURGE de Sofi OKSANEN

PURGE: dans un contexte de guerre, ce mot nous renvoie à de bien tristes souvenirs, déportations, camps, exterminations, et j'en passe.

J'ai un peu hésité à commencer ce livre, et devant les critiques plutôt avantageuses, et le témoignange de quelques personnes de mon entourage professionnel qui l'avaient lu, je me suis lancée.

Dès le début, je suis entrée dans l'histoire, ou plutôt les histoires: d'un côté la vieille Aliide, une paysanne estonienne seule habitante d'une ferme isolée, de l'autre Zara, une jeune fille russe atterrie là comme par hasard, dans le jardin, un jour de froid intense, et en filigranne, un genre de journal, tenu par un certain Hans Pekk, nationaliste estonien et manifestement peu libre de ses mouvements...

Aliide, méfiante et peu désireuse d'être dénoncée par ses voisins, hésite quelque temps avant de donner asile et nourriture à Zara, qui explique sa présence par sa fuite vis-à-vis d'un prétendu mari qui la battrait.
La vieille femme écoute, mais ne croit pas vraiment la "fille", comme elle la nomme dans ses pensées.

Et doucement, va sortir la vérité pour le lecteur, un drame familial, mais lié à la situation politique de l'Estonie pendant l'occupation soviétique, une période où bien que chacun regardât derrière lui en permanence, il n'était pas sûr de ne pas se retrouver à l'autre bout du pays sur simple dénonciation d'un voisin ou pire, d'un proche.

L'écriture est simple, dépouillée, et d'autant plus violente, dans la relation des évènements douloureux vécus par les protagonistes.
L'histoire nous amène aussi à nous demander s'il existe un pardon quelconque après une trahison, souvenir également pour nous, Français, d'une période également troublée...
Quant à la fin, moi, elle m'a scotchée, mais serais-je donc tellement naïve ?

Odile

mercredi 20 octobre 2010

LES OMBRES MORTES de Christian ROUX

Geoffrey Martin ne sait rien de lui-même.
Excepté qu'il y a 8 ans, il a percuté un arbre avec sa voiture, et a perdu la mémoire, oubliant jusqu'à son propre nom.

Il s'est reconstruit une vie, avec des petits boulots et une petite bande d'amis. Il est amoureux de Josepha et va emménager avec elle dans son appartement...
Sauf que Josepha se suicide. Enfin, apparemment, car ni lui, ni l'inspecteur chargé de l'enquête, Lancelot, ne croient à cette version.

A partir de là, Geoffrey va être entraîné dans une spirale de découvertes sur son ancienne vie, et de rebondissements en secrets dévoilés, va s'acheminer vers une vérité que même le lecteur n'aurait pu imaginer.

Ce titre est le deuxième de Christian Roux que je lis, et même si il m'a entraînée dans ses arcanes, je l'ai moins aimé que le précédant, "Kadogos".

Christian Roux prend le prétexte du roman policier pour dénoncer les errements des personnes et des sociétés, il y arrive magnifiquement bien.

Odile

samedi 16 octobre 2010

KADOGOS de Christian ROUX

Christian Roux, inconnu pour moi jusqu'à ma visite chez Nadège Mulé il y a quelques jours, m'a été conseillé par elle, à ma question "qui pourrais-je lire comme policier français que je ne connais pas ?"

Kadogos est son troisième roman, et pour faire connaissance avec Roux je n'aurais pas pu trouver mieux...

Imaginez une jeune femme dont le job est d'envoyer dans un monde meilleur les malades en fin de vie sur la demande de leurs proches.
Imaginez un flic ayant adopté un enfant trouvé dans un placard où il végétait depuis 5 ans, et qui ne parle pas.
Imaginez des enfants noirs prisonniers d'un chateau isolé, et qui diparaissent un par un sans jamais revenir.
Imaginez un journal tenu par quelqu'un, isolé sur une île avec des adolescents tueurs, ayant voué sa vie à leur réapprendre la "vraie" vie.

Quand vous aurez lu le roman de Christian Roux, vous saurez comment tout celà est intimement mêlé, vous aurez sondé l'âme humaine et ses turpitudes et vous aurez envie de faire comme moi: lire ses trois autres livres...("braquages", "les ombres mortes", "placards")

Oh, et ne cherchez pas ce que veut dire le titre: "kadogos": vous le saurez au moment où il le faut, quand vous serez prêt à comprendre...

Odile

vendredi 15 octobre 2010

LA COULEUR DES SENTIMENTS de Kathryn STOCKETT

Nous sommes à Jackson, Mississippi, en 1962, à l'époque de la ségrégation...
Blancs et Noirs vivent séparés, mais tributaires les uns des autres, car les Noirs travaillent pour les Blancs, tout en étant farouchement tenus à l'écart.

Les bonnes noires élèvent les enfants des femmes blanches, étant souvent beaucoup plus proches d'eux que leur propre mère.
Aibileen est une de ces bonnes, qui travaille depuis 40 ans dans des familles blanches, faisant toutes les corvées ménagères tout en élevant les bébés au fur et à mesure qu'ils viennent au monde.
Minnie est sa meilleure amis, mais sa "grande gueule" fait qu'elle doit changer souvent d'employeur.
Skeeter est une de ces jeunes filles, élevée par sa bonne Constantine, disparue sans laisser d'adresse alors qu'elle était à la fac, et dont elle n'a plus aucune nouvelle.

Avec toute la prudence qui s'impose dans cet état où le simple fait de se voir entre Blancs et Noirs ailleurs que dans une cuisine peut vous conduire en prison et même pire, ces trois femmes vont s'allier pour un projet qui paraît fou: écrire un livre de témoignages sur les conditions de vie des bonnes dans les familles blanches, mais aussi pour Skeeter, savoir ce qu'est devenue Constantine, dont tout le monde autour d'elle s'efforce de boycotter le nom...

Quand je suis arrivée à la fin de ce livre, je me suis sentie orpheline, de ce pays à l'atmosphère chaude et moite, de ces personnages tellement attachants, de ces histoires toutes lourdes de douleurs et de chagrins, mais aussi de bonheurs immenses.

J'ai ri, presque pleuré, souri, serré les poings, eu envie de frapper certains personnages confits dans leur peur et leur bêtise, au point d'agir contre leurs propres intérêts.
Pour un premier roman, il est réussi, et j'espère qu'il sera lu par une majorité, car il permet de se sentir différent après...
A quand le prochain roman de cette auteure magnifique ?

Odile

mercredi 13 octobre 2010

LA LIONNE BLANCHE de Henning MANKELL

Ce roman policier de Henning Mankell, écrit en 1993, mais traduit en France seulement en 2004, est sans doute celui que j'ai préféré.

Le prologue se situe en Afrique du Sud, en 1918. Trois jeunes gens, tous Boers, c'est-à-dire descendants des premiers Hollandais colonisateurs de l'Afrique du Sud, se retrouvent dans un bar de Johannesgourg.
Ils décident de frapper un grand coup pour que les Boers retrouvent leur place prépondérante dans le pays, qu'ils ont perdue avec l'arrivée des Anglais, et la guerre qui y fit suite, et qu'ils ont perdue.

Puis on est à Ystadt, en Suède, pour le premier chapitre...Nous retrouvons l'inspecteur Wallander, aux prises avec une enquête difficile, où une femme sans histoire a disparue, sans laisser de traces. Après des recherches longues et décourageantes, une équipe de policiers la retrouve dans un puits, en pleine campagne, non loin d'une ferme incendiée récemment.
Près du puits, un doigt gît par terre...un doigt NOIR !

Que fait un doigt noir coupé dans une cour de ferme en Suède ?

Wallander va enquêter, longuement, et en parallèle nous allons suivre un pan de l'hisoire de l'Afrique du Sud juste après la libération de Nelson Mandella.

Ce roman est passionnant, et on y retrouve la fascination et l'amour que Mankell éprouve pour ce continent mystérieux où il vit la majeure partie de l'année.
Ce Mankell me conforte s'il en était besoin dans mon goût immodéré pour cet auteur.

Odile

samedi 2 octobre 2010

OURAGAN de Laurent GAUDE

D'abord, il y a la couverture...un profil magnifique de femme noire, les cheveux comme soufflés vers l'arrière par un vent puissant, le visage serein, les yeux fermés...

Puis, il y a Josephine Linc. Steelson, négresse depuis presque cent ans...Se levant un matin comme d'habitude, elle "sent" la chienne arriver, une tempête d'une violence jamais vue en Louisiane.

Il y a Keanu, fonçant dans sa voiture en direction de La Nouvelle Orléans, alors que tout le monde se précipite en sens inverse, pour la quitter après l'annonce de l'ouragan.

Il y a Rose, qui ressort du tribunal sans pension pour son enfant, au grand soulagement du père de celui-ci.

Il y a le Révérand, qui prépare son église à recevoir l'afflux de réfugiés qui va bientôt se ruer à l'abri.

Il y a la prison du comté, peuplée d'hommes durs et impitoyables.

Il y en a d'autres encore, quand arrive cette tempête jamais nommée dans le livre, mais restée dans toutes les mémoires.
Les vies de tous ces gens vont être bouleversées, dans tous les sens du terme, les uns vont se muer en êtres sans foi ni loi, les autres vont devoir prendre leur destin à bras le corps...

Et dans ce marasme apocalyptique, il y a la figure emblématique et magnifique de Josephine, qui reste debout, négresse envers et contre tout, et revendiquant cet état de toutes ses forces.

Ce livre de Laurent Gaudé est au moins aussi fort et évocateur que "le soleil des Scorta", il est beau, envoûtant, prenant,lumineux.
Je crois que c'est mon préféré, je l'ai lu en deux fois, impossible de le laisser trop longtemps, il m'a kidnappée !

Odile